dimanche 16 février 2014

Emotions TGV

Sur ce blog, je proposerai, dans les prochains temps, à votre lecture,
 des réalisations qui n'iront à aucun éditeur.
Elles sont nées en ateliers d'écriture créative en ligne, et ont été plusieurs fois retravaillées depuis que j'ai choisi de n'y plus contribuer.
Ces textes, j'en assume et revendique la paternité.
J'en ai écrit du premier caractère au dernier.
Et à ce titre, elle me revient de plein droit.


                                                               Émotions TGV

Lorsque Jean, soudain, leva le bras, comme pour se débarrasser d’un poids trop lourd, et que son visage se déforma en une grimace douloureuse, de suite, je compris…
Le cœur !
- Ne bouge pas Jean ! Ne bouge pas, surtout! le priai-je affolée.
A quatre-vingt ans passés, je hurlai; debout, à la cantonade :
« Au secours ! Mon mari a une attaque! Un médecin ! S’il vous plait! Aidez- moi… !»
Beaucoup levèrent mollement le nez de leurs livres ou de leurs écrans…
Un jeune homme, pourtant, quittait déjà le wagon, en quête du contrôleur…
Un enfant, qui couinait jusque là, dans les bras immobiles de son père, se tut, surpris par cette vieille dame, qui criait plus fort que lui…
Comment pouvais-je noter tous ces détails, alors que Jean se tordait de douleur ? Étonnamment, l’angoisse me faisait radiographier les choses.
Interminables furent ces instants au côté de « mon » Jean, suffoquant… jusqu’à l’appel à un médecin lancé aux voyageurs dans le haut-parleur, quelques minutes avant l’arrivée d’un médecin à côté du  chef du train. Je cherchai à rester là, à côté de lui,…me rendre utile pourquoi pas !?
 Brutalement, presque, il m’envoya m’asseoir plusieurs sièges plus loin, « pour  leur laisser le champ libre ».
On me tiendrait au courant… Je ne pouvais rien faire…
Perdue…
Une jeune fille que je ne connaissais pas, s’assit en face de moi, elle prit, en silence, mes mains tremblantes entre les siennes, tout en m’offrant sa silencieuse et sensible écoute…
 Quel était cet ange?  Je ne sais.
Alors éveillés par son patient silence se levèrent en moi, des mots que je n’aurais jamais cru possibles à dire en un pareil endroit, à une parfaite inconnue:
« Je n’ai plus que lui, sur qui je puisse compter tout à fait, vous savez… Les enfants sont loin… Ils ont leur vie….Nous ne voulons pas les gêner…juste pouvoir partir avec l’esprit tranquille et le sentiment d’avoir fait ce qu’il y avait à faire.… » .
La jeune fille, sans mot, me  souriait avec douceur :  elle était belle, et me serra les mains, à peine plus fort.
« Mon mari est très malade, depuis longtemps…. Je ne vis plus guère que pour le soigner… c’est le dernier sens que je donne à ma vie. On ne peut plus faire grand chose, mais on n’en veut pas plus! Quelques pas dans le quartier suffisent à l’épuiser, mais qu’importe ! C’est ce peu là que j’aime. On prend  ce qui peut encore être pris… Ce voyage est une folie, mais revoir encore notre fils et sa famille, c’était un peu oublier ce qui se trouve au bout des rails… Face à cela, on est tous pauvres, vous savez….il n’y a que l’amour qui réchauffe un peu, c’est là que se mesure ce qui compte, c’est là le vrai bonheur…. »
Sous mes yeux, la jeune fille pleurait sans bruit… Je lui tenais les mains tout doucement ….
Là-bas, la vie de Jean se jouait ; nos vies …
J’entendais le TGV scander le temps qui passe et la vie qui continue….




Serge De La Torre



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