dimanche 17 mars 2013

Le Musée, un voyage sans déplacement....



Après avoir visité le Musée Guimet (Musée national des Arts asiatiques), le Musée du Quai Branly (Musée des arts et civilisations d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques -civilisations non occidentales) et enfin, mais non des moindres le Musée Albert Kahn de Boulogne Billancourt, je retiens quelques idées qui sont nées de ces expériences.
Outre les impressions de provincial monté vers la capitale dont je vous ferai grâce, je m’offre de vous dire, si vous ne le saviez déjà que les musées sont des lieux intéressants de réflexion sur les voyages et leur littérature. Ils sont même des lieux de voyage tout court, au moins autant, et de façon plus honorable que la plupart de nos voyages de masse.
Lorsqu’on voyage toute perception, toute collecte de données, d’impressions et de faits, est le fruit d’une pensée, d’une Weltanschauung (Vision du monde) préalable, d’une orientation du regard, fondée sur la réalité ou le point de vue. Cette Weltanschauung est modifiée par la la conscience d’être de celui qui voyage, par la réalité de ce qu’il rencontre lors de son périple.
La vision du monde du voyageur est fondée sur ce qui l’a conduit au voyage, avant que de dépendre de l’expérience qu’il y fait.
Il y arrive, nourri d’une certaine philosophie, d'une expérience plus ou moins analysée de sa propre position dans le monde, de la position de l’autre, de la réalité par rapport à lui.
L’expérience même du voyage est le résultat de la rencontre entre deux mondes : entre un projet et une réalité. La littérature de voyage m’apparaît comme un essai d'écriture autour de synthèse entre deux mondes, celui du voyageur à un instant T et celui de la réalité vécue ou perçue-vécue à ce même moment.
Le voyage est toujours de bout en bout, une expérience imaginée, une activité où la subjectivité entre en résonance, où elle est remise en cause et interrogée.
Jusque dans le compte-rendu ou retour sur expérience qu’il peut en faire et qui sera toujours provisoire, le voyageur vivra toujours son voyage selon deux modes complémentaires, la chose observée et l’observateur touché par la chose observée.
Le sauvage (bon ou mauvais selon les époques, les individus), l’étranger (bon ou mauvais selon les époques, les individus), sont en grandes parties des constructions imaginales nées du projet (monde intérieur du voyageur) et de l’expérience vécue du monde par les voyageurs.(Il  n'y a qu'a voir comment avec le recul de notre culture contemporaine, nous lisons les écrits des grands explorateurs espagnols vers l' Amérique du Sud)
Voyager n’est pas seulement faire grandir un capital de savoirs, d’avoirs, d’images, de connaissances, d’expériences, mais bien en même temps, mûrir un potentiel d’être, d’observation, d’analyse et d’expression de ses propres connaissances, expériences, images, de cette réalité expérientielle vécue, de cette réalité imaginée qui pousse à aller vers …
Bien souvent, c’est même "un dépouillement du connu jusque là", qui nous intéresse et nous pousse vers l’ « encore inconnu en soi-même », la recherche de « la passion unique absolue » qui nous attire dans la diversité des choses, dans la diversité de l’aventure… je ne citerai que la quête d’Isabelle Eberhard vers l’Oued Aïn-Sefra.
Ne faudrait-il pas situer le désir de voyage,en soi : dans un creux, une absence, un manque. Ne peut-on voir la soif de l’Ailleurs, la soif de l’Autre comme un besoin de se trouver, de mettre sa propre réalité à l’épreuve des convictions autres, ses propres illusions à l’épreuve des certitudes d’autrui, dans un besoin de trouver ainsi une complémentarité.
Nous cherchons par le voyage, par l'ouverture à la culture autre une totalité qui est et reste un besoin fondamental ( la complétude : l’un des attributs que l’homme projette par exemple sur ses divinités tant qu’il ne les vit pas, en tant que qualité possible).
Ce voyage : on peut le faire certes ailleurs, mais aussi dans de nombreux autres endroit et il dépend essentiellement d’une ouverture et d’un regard.
Il peut pour le moins se compléter dans un musée, si celui-ci est suffisamment riche et suffisamment capable de s’ouvrir à l’altérité, à la diversité, à la possibilité de penser le "monde-autre" en toute liberté, s'il est capable d'en communiquer l’expérience .
Je crois que les vrais grands et beaux musées en sont capables, parce qu’ils offrent une bouffée d’âme au travers des objets, des éléments, des ambiances et des réalités présentées. Ils donnent à voir et à imaginer, à ressentir dans leurs mises en contextes.
Ils sont le pis-aller du voyage, mais surtout des raccourcis protecteurs: quand les treks sur l’Himalaya sont par leur démocratisation, et donc par leur nombre aujourd’hui de nature à souiller de façon irréversible et dangereuse, les plus hauts sommets du monde, il est bon que nous soyons nombreux à nous contenter des photos qui en ont été prises.
Au vue des morts de civilisations provoquées par nos incursions destructrices dans des civilisations florissantes, il est heureux que chacun de nous ne soit pas obligé pour l’épanouissement de son âme d’aller jusqu’en Mongolie intérieure, comme Passet le fit pour Albert Kahn….
Je dirai même plus, que le tourisme, le voyage réel dans les conditions de richesse et de confort qui conviennent au plus grand nombre dans le monde occidental est trop souvent de nature à détruire ce qu’il touche, à dégrader la nature même d’authenticité que nous étions venus y rechercher.




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