mardi 11 novembre 2014

Ecrire dans l’esprit de Virginia Woolf ?



Dans  l'introduction de l’ouvrage « L’écrivain et la vie », Elise Argaud dit au sujet de la pratique de Virginia Woolf en tant qu'auteure :

L'un des principes unificateurs qui fondent ses textes est le primat de l'expérience :

« Loin d'être un monde hors du monde, une façon de s'abstraire et une abstraction, l'expérience littéraire est une plongée du langage au cœur de la vie »

[L'expérience littéraire est une plongée du langage au cœur de la vie.
Fort superbe affirmation !]

On apprend quelques pages plus loin que Virginia Woolf accorde une grande place aux impressions, sur la mise en relation libre, non pas de principes définis à priori, mais de ses sensations.

[Au sujet des mots, sa pensée est intéressante aussi :]

« Les mots sont inutiles [(en eux-mêmes faudrait-il préciser !)] : le langage procède par associations d'idées, d'impressions : tout mot peut déclencher une cascade d'autres mots, peut entrainer cette variété infinie que toute la littérature ne réalise qu'en partie. »
Plus loin :
« Les mots sont le miroir de leur auteur, de sa vie personnelle, malgré lui et avant même leur signification propre ».
« Là, partout, tantôt cachée, tantôt visible dans ce qui est écrit se trouve l'empreinte d'un être humain »

« Ils ont parfois créé des images si frappantes que les mots qui les composent semblent devenir indissociables. »
« Pour que les mots puissent aussi refléter le monde et en donner une vision inédite, il faut à tout prix préserver leur liberté et les combiner de façon neuve et vivante »
« Toute création en mots doit laisser place à l'imagination du lecteur en ménageant l'implicite »

« L'écrivain a pour tâche de sélectionner un aspect et de faire en sorte qu'il en évoque vingt » (V. Woolf)

« L'économie de moyens va de pair avec un pouvoir suggestif accru et une sollicitation active du lecteur »

[En substance : ]
« Le Grand Art consiste à ouvrir le lecteur par les mots sans l'enfermer dans un sens des mots qui l'empêche d'être sensible à tous les autres sens et à toutes les autres expériences possibles »

 Je vous propose donc le petit exercice suivant :

à faire quand vous le voulez, 
à essayer dans le silence de la promenade dominicale ou dans le petit bout de chemin qui vous conduit de la porte d’entrée de votre « chez vous » jusqu'à, par exemple, la station de tri sélectif du coin de votre rue……. :

« Marchez et à chaque pas sentez ! Usez de (ou concentrez-vous sur) vos cinq sens.
 Et soyez conscient de ce que vous sentez (sous vos pieds, dans votre main, de l’air qui vous entoure, des diverses odeurs qui vous touchent …) de ce que vous entendez (les oiseaux, le vent, le soudain silence…), de ce que vous touchez (l’objet certes, sa nature, mais surtout ce goût singulier du contact (touchez une table de vieux bois, n’est en rien comparable au toucher d’un banc de pierre ou d’une chaîne de balancelle…), de ce que vous goutez au travers de chacun de vos sens et sur toute la surface de votre corps.
Vous pouvez même pour souligner votre expérience sensorielle, user d’un verbe que vous vous direz intérieurement, avant de replonger vers l’expérience de l’attention à vos sens :
« Voir » lorsque c’est votre vue qui est sollicitée
« Entendre » lorsque c’est votre ouïe qui est captée
 « Toucher » et/ou « Sentir »   lorsque c’est votre toucher ou votre odorat qui sont sollicités
« Goûter » lorsque vous apparaît  comme dominante la sensation de la langue contre vos dents, le palais ou la salive qui remplit votre bouche....
Si par hasard votre pensée reprenait le dessus et vous accaparait dites simplement «Penser » et revenez tranquillement à la conscience de vos sensations....

Faites tranquillement l’exercice précédent plusieurs fois, vous n’avez besoin que de peu de temps, en revanche, sans doute d’un peu de volonté et d’attention à vous-mêmes.

Puis gardant l’ambiance qui était la vôtre durant ces petits temps d’exercice, rentrez chez vous et écrivez un petit texte, librement (si vous y parvenez) ou bien,  usez des débuts de phrases que je vous offre.
Ce texte devra être très libre, amusez vous des mots qui vous viennent, laissez-vous par eux surprendre et ravir, osez des images, des sentiments, des impressions et des associations de mots frappants ou naturels

J’ai senti……
J’ai senti……
J’ai senti……
J’ai senti……
J’ai vu ……
J’ai vu ……
J’ai vu ……
J’ai vu ……
J’ai goûté…
J’ai goûté…
J’ai goûté…
J’ai goûté…
J’ai entendu…..
J’ai entendu….
J’ai entendu….
J’ai entendu….
J’ai perçu ma pensée comme…
J’ai perçu ma pensée comme…
J’ai perçu ma pensée comme…
J’ai perçu ma pensée comme…

Ne cherchez pas l’exploit, juste le naturel et le « poli » (celui de la pierre roulée par le ruisseau et non pas le « poli » des gens de salon qui se retiennent d’être et d’oser, vous avez bien sûr le droit de relire le texte spontané que vous aurez produit… pour vous-même
Et même, vous aurez le droit dans un deuxième temps de le rendre plus présentable, mais veillez à ne pas en ternir l’essence, l’émotion ou la finesse de votre vécu.
Elles se trouvent déjà dans vos mots premiers.
Et souvent, à vouloir bien faire, on brise la beauté de l’inspiration originelle.
                                     

Bonne expérience.

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